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Discours de Bayeux du 16 juin 1946

Contexte


Après l'Appel du 18 juin 1940, le discours du 16 juin 1946 est l'un des plus importants discours du général de Gaulle.

Bayeux.
Le lieu et le moment sont également symboliques. Bayeux est la première ville libérée par les alliés, celle que visita aussitôt le Général, celle dont l'accueil enthousiaste confirma la légitimité de son combat et de son gouvernement et dissuada les États-Unis de placer la France sous leur administration (l'AMGOT), ainsi qu'ils l'avaient prévu.

1946.
Pour le second anniversaire de la libération de la ville, De Gaulle choisit Bayeux pour faire sa rentrée politique. De Gaulle a gardé le silence depuis sa démission de la présidence du gouvernement, le 20 janvier précédent.

Le difficile retour de la République.
Le projet élaboré par la première Constituante a été rejeté par le peuple français le 5 mai. La France se trouve sans gouvernement : Félix Gouin a démissionné à son tour. Une seconde Constituante va se réunir.

C'est le moment que choisit de Gaulle, espérant influencer ses travaux, pour exposer ses idées constitutionnelles - jusque-là assez imprécises - dans un discours de référence. Sur le moment, il n'est pas entendu mais ce sont ces idées qui inspireront la Constitution de 1958.

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Extrait



Du Parlement, composé de deux Chambres et exerçant le pouvoir législatif, il va de soi que le pouvoir exécutif ne saurait procéder, sous peine d'aboutir à cette confusion des pouvoirs dans laquelle le Gouvernement ne serait bientôt plus rien qu'un assemblage de délégations. Sans doute aura-t-il fallu, pendant la période transitoire où nous sommes, faire élire par l'Assemblée nationale constituante le Président du gouvernement provisoire, puisque, sur la table rase, il n'y avait aucun autre procédé acceptable de désignation. Mais il ne peut y avoir là qu'une disposition du moment. En vérité, l'unité, la cohésion, la discipline intérieure du gouvernement de la France doivent être des choses sacrées, sous peine de voir rapidement la direction même du pays impuissante et disqualifiée. Or, comment cette unité, cette cohésion, cette discipline, seraient-elles maintenues à la longue si le pouvoir exécutif émanait de l'autre pouvoir auquel il doit faire équilibre, et si chacun des membres du gouvernement, lequel est collectivement responsable devant la représentation nationale tout entière, n'était, à son poste, que le mandataire d'un parti ?

C'est donc du chef de l'État, placé au-dessus des partis, élu par un collège qui englobe le Parlement mais beaucoup plus large et composé de manière à faire de lui le Président de l'Union française en même temps que celui de la République, que doit procéder le pouvoir exécutif. Au chef de l'État la charge d'accorder l'intérêt général quant au choix des hommes avec l'orientation qui se dégage du Parlement. A lui la mission de nommer les ministres et, d'abord, bien entendu, le Premier, qui devra diriger la politique et le travail du gouvernement. Au chef de l'État la fonction de promulguer les lois et de prendre les décrets, car c'est envers l'État tout entier que ceux-ci et celles-là engagent les citoyens. A lui la tâche de présider les Conseils du gouvernement et d'y exercer cette influence de la continuité dont une nation ne se passe pas. A lui l'attribution de servir d'arbitre au-dessus des contingences politiques, soit normalement par le conseil, soit, dans les moments de grave confusion, en invitant le pays à faire connaître par des élections sa décision souveraine. A lui, s'il devait arriver que la patrie fût en péril, le devoir d'être le garant de l'indépendance nationale et des traités conclus par la France.

Charles de Gaulle, 16 juin 1946
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lundi 5 janvier 2015Contactez l'auteur à svincent108@gmail.com